Le fond du garage
     
     Loïc Balarac
     
     Production : K productions, 
FR3 Aquitaine
     
     2004, 52 min. 
     
     
      Ce film séduit pour plusieurs raisons.
     
      Il est très travaillé sur le plan plastique : cadrage soigné mais vigoureux, montage en rapidité
     
      et légèreté avec recomposition de l'espace écran par des effets de filtre et de division, 
     
     effets qui plaisent par les petites trouvailles offertes aux yeux, sans pour autant distraire des personnages
     
      ou attirer l'attention (plus que ça...) vers l'habilité du narrateur.
     
     
      Le film raconte les personnages qui se regroupent autour d'un espace jadis abandonné 
     
      de l'ancien port de Bordeaux. 
     
      Dans un vaste hangar sous une charpente élevée et massive s'est installé un garage
     
      d'auto-réparation. Dans ce garage arrivent des jeunes, des immigrés, des pauvres ou des 
     
      aventureu(x/ses) qui préfèrent s'attaquer à leur propre voiture plutôt que de payer
     
      les factures des professionnels.
     
     
      L'espace est net, bien équipé, les tarifs raisonnables, et le chef, un homme d'une trentaine d'années
     
      affable et efficace. 
     
     
      C'est la première couche d'une forme de narration en onion, un des autres plaisirs du film.
     
     
     Deuxième couche. Aux côtés de Momo le garagiste s'insèrent deux femmes qui s'intéressent à
     
     et qui pratiquent, des arts plastiques. 
     
     Si on a le matériel pour souder ou limer une pièce, pourquoi ne pourrait-on pas limer ou souder
     
     une sculpture ? Si on a la place pour un monte-charge et des outils, pourquoi ne pourrait-on pas
     
     suspendre de grands tableaux et fixer des installations ?
     
     Or Momo ne s'intéresse pas seulement aux voitures, 
     
     il s'intéresse à l'art, à la musique, à tout ce qui fait rencontre et échange entre les gens. 
     
      
     
     Et le mélange de genres ne le gêne pas. 
     
     
      Donc les bobos des galéries peuvent côtoyer les ouvriers marocains vieillissants qui tripotent
     
      leurs bagnoles. Et tout le monde peut en tirer du bonheur.
     
     
      Or malgré tout, Momo et ses partenaires ont du mal à tenir le lieu. Le loyer est cher, les charges lourdes.
     
     
      Pourquoi ne pas utiliser l'espace pour des concerts, des danses, des soirées ?
     
     
      Le lieu est sonorisé, on commande du couscous auprès d'un restaurateur voisin. 
     
      600 personnes présentes, c'est la réussite !
     
     
      Mais il reste un mystère au centre des étincelles d'espoir créées par toute cette énergie.
     
      Quel en est sa source ? D'où vient l'acharnement qui pousse Momo dans sa recherche,
     
      dans la création de ce qu'on pourrait appeler un "espace de découverte et de travail".
     
     
      La clef semble être donnée dans la dernière séquence du film. Momo traverse une rue
     
      en face de la préfecture (il pleut). Ses ami(e)s l'attendent dans un café. Malgré la grisaille
     
      le soulagement et la joie se lisent dans ses yeux. Il a reçu l'autorisation provisoire qui lui permet
     
      d'espérer une régularisation de sa situation en France. 
     
     
      L'histoire de son enfance ou de sa première jeunesse, l'histoire de là où il a pu devenir 
     
      "expulsable" ou "sans papier" restera un arrière fond non dit.
     
     
      Ce documentaire raconte, et c'est plutôt rare, dans une forme enlevée et riante
     
      la positivité créatrice libérée par un noyau de désespoir.
     
      
     
vu au festival "Traces de vie", novembre 2005
     
      Michael Hoare